Parce qu’il faut un début à tout !
Le premier trail : Ecotrail de Paris 2010. 50km, 1000mD+
Nous avons tous une bonne raison de nous être mis au trail. Certains vivent dans les Alpes, et se sont dis qu’à force d’admirer ces belles montagnes, ce serait sympa de les grimper. D’autres se sont perdus sur un semi, et tentant de revenir sur tracé officiel, ont parcouru un peu de chemin en pleine campagne et ont apprécié.
Pour ma part, c’est sur un coup de tête, en discutant avec Julien autour de la machine à café du bureau.
‘Tiens’, me dit Julien, ‘Ils organisent un trail à Paris ; il y a plusieurs distances, un 18, un 30, un 50 et un 80. On se lance sur le 80 ?’ Pour ne rien changer à mes bonnes habitudes, je prends le temps de la réflexion… 10 sec, et je lui réponds Banco !
Devant le formulaire d’inscription, on se ressaisit et on opte finalement pour le 50 ; ca tombe bien, nous n’avons aucune expérience en trail, et n’avons jamais couru plus de 21,2km.
Il y a plusieurs moments palpitants dans le cycle d’un trail, et le retrait des dossards en fait indéniablement parti, dès le premier. On se sent fort, on regarde autour de soi avec un air de ‘et oui môssieur, moi je vais courir 50km !’, on regarde les stands des marques présentes en se disant qu’on courrait aussi vite que leurs représentant avec ce super matos ! On est comme sur un nuage en ce disant que ce petit microcosme est quand même bien original… Des centaines de personnes sont là, heureuses à l’idée d’en baver pendant des heures, et gagas devant les objets qui édulcorent cet effort.
Nous sommes en Mars 2010 ; le jour J arrive enfin.
L’organisation est à féliciter, comme souvent ! Nous nous rendons sans encombre à Versailles, par le RER puis le bus. Le trajet est long, et on se dit que l’on a tout ça à remonter dans l’autre sens… à pieds !
Niveau équipement, je ne suis pas au top, avec un sac qui ballote dans tous les sens et un collant trop épais, mais vaille que vaille, le moral est au top, il est temps d’en découdre.
Un peu plus de 1000 zinzins sont sur la ligne de départ, l’ambiance est vraiment chaleureuse ; c’est sympa le trail, on discute, on rigole, mais tout ça, c’est aussi un peu pour cacher la tension d’un effort à venir qui nous dépasse quand même pas mal.
Il est à noter qu’au moment du récit, je ne sais pas ce que c’est que minutes au kilo, je n’ai aucune idée de la gestion de course niveau alimentation. Mon coach, c’est Julien, et je le suis !
Le haut parleur nous lancer ! C’est parti pour 50km de bonheur J
Nous avons décidé avec Julien de commencer très doucement, pour ne pas se cramer, au moins jusqu’au premier ravito, qui sera au km 22, soit presque mi-course.
Toute les 10min, boire quelques gorgées régulièrement, puis y aller à la sensation, et surtout, profiter du paysages.
La première chose qui me frappe est le côté nature de la course. Le but d’un trail est d’arriver à ce que des milliers de personnes parcourent un environnement beau et agréable, sans le souiller. Malgré quelques crétins qui ne respectent pas cela, tout le monde fait un effort pour ne pas jeter par terre ses gels qui collent, ou les emballages des barres énergétiques.
On profite, on profite ! Imaginez un peu. Nous sommes partis du parc du château de Versailles, et nous rendons en bas de la tour Eiffel. Le seul bitume que nous fouleront sera au niveau des derniers kilomètres, sur les berges de la Seine. Tout le reste se fait en sentier forestier !
La première partie se passe bien, on se prend même à rigoler en arrivant au premier ravito : ca y est, on avait jamais couru autant ! Je ne sais pas si nous étions réellement contents d’en être déjà arrivé là, ou bien si un côté un peu sadique était entrain de prendre le dessus.
Nous sommes à Chaville en 2h18m42sec, avec une moyenne de 10.8km/h. On rempli les camels, et c’est reparti !
On discute, on refait le monde, on rencontre des gens hyper sympas tout le long de la course, et on enchaîne les kilomètres. On comprend qu’il vaut mieux marcher les côtes parce que sinon, les jambes commencent à piquer !
Vient le milieu de course… le ventre mou… Quand on est pas habitué, ce n’est pas la meilleur des parties. Psychologiquement, on a fait la moitié ! Mais la question n’est pas là. Déjà la moitié ou encore la moitié, that’s the question… En pendant quelques km, jusqu’au second ravito, la balance penche vers le ‘encore la moitié’. Heureusement, nous sommes 2 et le temps passe vite. Le cadre est pas mal pour la région parisienne, alors tant bien que mal, on arrive au seconde ravito, près d’une heure et quart plus tard.
Ravito de Saint-Cloud, km40, en 3h31m00s, avec une moyenne de 11.3km/h.
La fatigue se fait ressentir, je me souviens encore aujourd’hui des crampes aux cuisses que j’avais. Mais problème ! Si je m’étire la cuisse comme d’habitude, alors ça me lance à l’arrière de la cuisse… Bon tant pis, je me résigne, il faudra finir ainsi.
Eh ! Mais je n’y pensais plus… Vous avez bien dis km 40 ? On a quasiment fait un marathon alors ? Il ne m’en fallait pas plus pour oublier les crampes, et me dire qu’il ne me restait que 10km avant de franchir la ligne d’arrivée.
On repart donc du ravito avec une fraîcheur toute relative. Nous sommes à ce moment dans le parc de Saint-Cloud, et redescendons vers Paris par Meudon. La descente est sympa, mais si vous d’êtes pas adeptes du trail dites vous bien que la montée est bien plus simple et abordable que la descente.
Chaque foulée provoque une sorte de cognement, qui fait bien sentir les crampes naissantes, qui n’en attendent pas plus pour pointer le bout de leur nez.
Passé le Parc de Saint-Cloud, on se dit que l’on arrive enfin sur du plat. Nous sommes sauvés !
Mais un trail n’étant jamais si drôle que lorsqu’on se perd, plutôt que de prendre à gauche après le pont de je ne sais plus quoi, on s’enfonce en ville. Au bout de quelques centaines de mètres, on se regarde avec Julien. ‘Euh, c’est normal qu’il n’y ait personnes devant ?’. ‘Bah, peut etre qu’on est trop forts ?’. ‘Euh, non, je ne crois pas’. ‘Bon, bah on est pardu’. ‘OK, merde, on fait demi tour’.
Et là, c’est le drame.
Je vous explique.
Lorsque vous vous alignez sur un trail, vous faites un pacte avec votre corps. ‘Eh, t’inquiètes, aujourd’hui on fait 50km ensemble, ca va être sympa’, dis-je au corps. ‘OK, ca marche’, me répond-il, ‘mais attention, c’est 50 et pas 1 de plus’, ‘affaire conclue’ lui annonce-je heureux de ma négociation.
A ce moment précis, donc, mon corps comprends qu’il vient de se faire avoir. Pour le coup, ce devait être d’au moins 1 voire 2 bons kilomètres. Et quand vous faites demi-tour, vos forces vous lâchent.
Inutile de renégocier quoi que ce soit avec votre corps, il hiberne, et vous annonce sans détours que votre compte épargne kilomètres est au point mort.
Il ne nous reste peut-être que 5 ou 6 km, mais quel calvaire…
Et ces gens qui vous encouragent ‘Allez, plus que 5km’, alors que vous pensiez qu’il n’en restait que 2…. Non mais ils ne peuvent pas garder leurs encouragements pour eux ?! J
Mais au détour d’un virage, la Tour Eiffel est là, à bouts de bras.
Vous savourez. Il ne peut plus rien vous arriver. Vous savez que vous êtes finisher de votre premier trail. ‘You did it’. Cette fois-ci, les gens qui vous encouragent vous semblent nettement plus sympathiques, vous leur souriez, vous êtes aux anges. Les derniers kilomètres sont difficiles à expliquer à ceux qui ne courent pas, car ils pourraient êtres assimilés à du masochisme. Vous êtes heureux de ne plus en baver que quelques instants… c’est un peu ça. La fierté d’avoir relevé un défi que peu de personnes seraient capables de relever est également, il faut se l’avouer, très satisfaisante !
La ligne d’arriver passée, on se félicite avec Julien ! Nous venons de passer quelques heures à parcourir les belles forêts qui entourent l’ouest parisien, et nous voici rendu, à pied, au bas de la tour Eiffel.
FINISHERS en 4h39, arrivés en 139è et 140è positions sur plus de 1000 finishers.
Pas si mal pour un début !
Nous remportons donc un parti tenu avec un ami du bureau… 2 bouteilles de champagne que nous le finirions en moins de 5h… sans trop y croire… Pari gagné !
Je rentre tout heureux chez moi regarder un match du rugby, tournoi des 6 nations oblige, et ne gardant que le meilleur de cette épreuve hors du commun !
Sans le savoir, les dés étaient jetés, je ne pouvais plus faire machine arrière, le trail venait de s’installer en moi.