Pour titrer ce post, j’hésitais avec « Abandon, faiblesse ou sagesse ? », mais la notion de trail ne ressort pas de ces 3 mots, or je pense que cette dimension fait partie intégrante d’une réflexion sur l’abandon.
Fin Aout dernier, je me retrouve à Chamonix. Il est 10h du soir, je cherche ma voiture pour rentrer me coucher. J’ai 70km dans les pattes, et j’en ai plein le dos. J’ai passé une bonne journée, mais une sale soirée, il faut bien l’avouer. Je viens d’abandonner en pleine CCC, alors que le plus dur était fait.
Je croise alors un type qui pense croiser un autre
crack : il vient de passer la ligne d’arriver, en faisant un TOP10. Quand je
lui dis que non, pour moi, c’est retour maison sans le gilet finisher, il me
dit : « c’est toute la différence entre nous, triathlètes, et vous,
traileurs… Nous, malgré toutes les difficultés que l’on peut rencontrer, on
n’abandonne jamais ».
Je ne pense pas qu’il eu raison, ni qu’il eu tord.
Ce soir là, j’ai grandi ; je suis parvenu à abandonner ; je suis devenu un peu plus mature. Je pense maintenant être capable de courir avec raison, en plus de courir avec passion.
Ma première Sainté, je l’ai couru pendant 50km avec
des crampes ; 2 semaines plus tard, j’avais une TFL. Ca, je ne l’oublierai
jamais.
Réflexion faite, j’aurai du abandonner, retourner à
l’entrainement, et revenir l’année suivante, fort de cette expérience.
Mais la réflexion de ce champion m’a amené à
beaucoup réfléchir sur l’abandon. Bien que je demeure certain d’avoir pris la
bonne décision, pourquoi abandonner ? Dans quelles circonstances ? A
partir de quel moment n’abonne-t-on pas par confort ? N’est-il pas
possible de se servir de l’abandon comme une arme ?
Abandonner, c’est en effet baisser les bras.
Lorsqu’on s’inscrit à une course, c’est bien
entendu pour la finir. Je ne suis pas allé à Chamonix pour courir 70 bornes et
rentrer chez moi. J’aurai très bien pu faire ça chez moi. D’autant plus que
lorsque je décide d’abandonner, il n’est que 20-21h. J’ai tout juste 10h de
course ; je suis en avance sur mes prévisions, et ne suis pas trop mal
classé.
Mais je ne fais pas du trail pour la performance.
Ce qui m’attire dans cette discipline, c’est la beauté des paysages, la
convivialité avec les autres coureurs, le plaisir de courir pour se dépasser
dans un cadre exceptionnel.
Je n’ai que 10-11h de course, et plus que 30km
avant la ligne d’arrivée. Pourquoi arrêter là ??
Cela fait 10h que j’ai les jambes lourdes. J’en ai
plein le dos de ne pouvoir discuter avec personne. Les ravitos me semblent
minables compte tenu du prix de la course : leur espèce de soupe salée
m’écœure. Et puis le paysage est certes joli, mais je trouve qu’ils en font
beaucoup, et ne vois pas en quoi cela est plus compliqué que le TGV, couru 2
mois auparavant. Avoir du débourser 250€ en matériel obligatoire pour RIEN, et
me trimballer je ne sais combien de kg en trop sur le dos, c’en est trop. Ma
contrariété doit avoir un impact psychologique qui m’empêche de manger quoi que
ce soit.
Les 2-3 premières heures de course, tout va
bien ; mais à partir du 1er point d’eau qui suit le premier
ravito, l’alimentation ne passe plus. Lorsque j’arrive à Trient, j’ai faim. Je
n’ai rien avalé depuis 7-8h (sauf une part de leur tarte à la myrtille vraiment
infâme au ravito du km50) et il me reste au moins 5h de course.
Je décide d’arrêter car je me dis que si c’est pour
faire un malaise en pleine nuit, paumé au milieu de je ne sais où, le jeu n’en
vaut pas la chandelle.
Je prends le bus, et rentre au chalet, finalement
heureux d’avoir su dire stop !
A chaque fois que j’y repense, je suis fier de moi,
et fier d’avoir su dire stop, plutôt que m’être entêté à vouloir coute que
coute terminer une course, peut-être au péril de ma santé.
L’abandon, c’est donc baisser les bras, en effet,
mais je ne pense pas qu’il faille le vivre comme un échec.
Abandonner, c’est également faire preuve de sagesse.
Les causes d’abandons sont légions : blessures, alimentation, fatigue, ras-le-bol. Peut importe la raison, je ne pense pas qu’il y en ait de mauvaise.
La raison est simple : on n’abandonne jamais
par plaisir, ni par facilité, mais toujours par raison.
En 10h de course, on a le temps de s’en poser, des
questions. Je ne connais personne qui ait abandonné sur un coup de tête. En
général, la décision est prise après mûre réflexion, cogitée pendant de
nombreuses heures à se demander si ce qu’on fait est bien raisonnable…
On en revient là à la question originelle : pourquoi fait-on du trail ? Si je voulais expliciter, je dirai « pourquoi fait-on du trail, et non de la route » ?
La réponse, ou plutôt ma réponse, est, je pense,
commune à de nombreux pratiquants de cette belle discipline : « Par
passion pour la course à pied, l’envie de se dépasser dans un cadre naturel
d’une beauté exceptionnelle. »
Quelques paramètres sont donc indispensables à l’accomplissement de cet objectif.
Le plaisir ; l’intégrité physique ; le
milieu dans lequel on évolue ; la beauté des paysages ; la
convivialité.
Courir dans la montagne, dans un milieu naturel sympa, mais sans convivialité, en remettant en cause mon intégrité physique, à quoi bon ???
Depuis Aout dernier, je pense avoir changé dans mon approche du trail. Je n’ai plus peur de l’abandon, et du coup, aborde avec plus de sérénité les courses auxquelles je participe.
Avant, mon objectif était « d’être finisher ».
Maintenant, mon objectif est de faire une course
pleine : si le plaisir, la convivialité, la simplicité, l’intégrité
physique et les paysages, ne sont pas au rendez-vous, je n’hésiterai plus à m’arrêter,
rentrer chez moi, et chercher un nouveau défi qui réponde à mes attentes.
Pour illustrer mes propos, je vais faire un parallèle entre 2 courses dont une est médiatisée, l’autre pas.
La CCC, pour commencer : chère, en inscription
et en matos obligatoire (les gants imperméables et le surpantalon : vous
déconnez sérieux, non ???), ravitos sans intérêts, transferts fastidieux,
récupération des dossards interminable, bus de retour vers la voiture très mal
organisé. A quoi bon s’arracher pour gagner un veston finisher de cette épreuve
qui de surcroit fait la pluie et le beau temps sur la planète trail avec son
système de point à la limite du mafiosisme. C’est promis, vous ne m’y
retrouverez plus.
Le TGV. Trail des Glaciers de la Vanoise. Deux fois
moins cher. 1min pour prendre son dossard. Des hôtels à 2min de la ligne
d’arrivée, avec tout ce qu’il faut. 300 coureurs max. Une belle ambiance. Un
parcours à couper le souffle dans un environnement exceptionnel : passages
enneigés, traversée de col avec la présence de CRS pour assurer la
sécurité : CA, c’est du trail !! D’ailleurs, j’y retourne cette
année, et j’en trépigne d’avance J
Il n’y a donc aucune raison d’avoir honte d’abandonner. Qu’elle soit rationnelle ou non, il vaut toujours mieux abandonner une course ‘mal vécue’ et rebondir par la suite, que se forcer à terminer une course dans de sales conditions, et le regretter par la suite.
Suite à mon abandon, un paramètre psychologique nouveau rentre maintenant en compte, dans ma façon d’évoluer lors de mes courses.
Penser à l’abandon peut également devenir une arme
qui permet de passer la ligne d’arriver en finisher avec le sourire !
Je ne m’en suis aperçu que très récemment, mais le fait d’avoir abandonné, m’a fait réfléchir, et a changé ma façon d’aborder la compétition. Avant, mon unique but était de finir une course. Maintenant, mon objectif premier est de prendre du plaisir, et puis si cela ne se passe pas comme prévu, tant pis, ca ira mieux une prochaine fois.
Lors de l’Ecotrail de Paris (30k), je prends le départ avec des jambes d’une lourdeur rare.
3km plus tard, je me dis que je vais rentrer chez
moi, si c’est pour me trainer à ce point.
Je réfléchis et me fais la réflexion
suivante : « OK, tu peux abandonner, de toute façon, tu n’es pas dans
le peloton de tête. En revanche, tu as un autre option : en profiter pour
faire ta sortie longue du week-end ». J’ai changé d’état d’esprit, baissé
d’intensité, me suis refais une santé pour relancer dans la 2nde
partie de course et finalement me faire plaisir sur la 2nde partie
de cet Ecotrail.
Je me suis servi d’en avoir rien à faire
d’abandonner pour enlever toute pression liée à l’échec, me recentrer sur le plaisir
de la course au détriment de l’aspect performance, pour finalement me reposer
et relancer sur la fin.
Me donner l’option d’abandonner m’a redonné la
sensation d’être maitre de ma course. J’ai décidé de pouvoir abandonner ;
je vais donc décider d’y aller à la cool, puis d’accélérer quand tout ira
mieux.
Je m’étais fais plus ou moins la même réflexion
lors du trail des Raids Dingues. Je m’étais dis que je ferai un départ rapide
quitte à abandonner si je me cramais. Au final, je fais 2 (ex-aequo avec Gilles).
Si j’avais voulu assurer le fait de terminer, je serai parti moins vite, et
aurai très certainement fais une course moins aboutie.
Cette réflexion sur l’abandon reste très
personnelle.
Certains pensent qu’il est ‘nul’ d’abandonner. Je
leur dirai simplement de faire attention. Ce n’est pas parce que Kilian a couru
100km sur la diag avec une TFL qu’il faut faire pareil. Rester humble, et à sa
place, permet de relativiser, et je pense d’aborder les choses plus
sereinement, en prenant un maximum de plaisir pendant les courses.
Rester en forme en se faisant plaisir, voilà, à mes
yeux, les limites à se fixer, pour se donner à fond tant que l’on ne franchi
pas l’une ou l’autre de ces frontières.
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