mardi 7 avril 2015

L’abandon et le traileur…

L’abandon et le traileur…

Pour titrer ce post, j’hésitais avec « Abandon, faiblesse ou sagesse ? », mais la notion de trail ne ressort pas de ces 3 mots, or je pense que cette dimension fait partie intégrante d’une réflexion sur l’abandon.

Fin Aout dernier, je me retrouve à Chamonix. Il est 10h du soir, je cherche ma voiture pour rentrer me coucher. J’ai 70km dans les pattes, et j’en ai plein le dos. J’ai passé une bonne journée, mais une sale soirée, il faut bien l’avouer. Je viens d’abandonner en pleine CCC, alors que le plus dur était fait.

Je croise alors un type qui pense croiser un autre crack : il vient de passer la ligne d’arriver, en faisant un TOP10. Quand je lui dis que non, pour moi, c’est retour maison sans le gilet finisher, il me dit : « c’est toute la différence entre nous, triathlètes, et vous, traileurs… Nous, malgré toutes les difficultés que l’on peut rencontrer, on n’abandonne jamais ».

Je ne pense pas qu’il eu raison, ni qu’il eu tord.

Ce soir là, j’ai grandi ;  je suis parvenu à abandonner ; je suis devenu un peu plus mature. Je pense maintenant être capable de courir avec raison, en plus de courir avec passion.

Ma première Sainté, je l’ai couru pendant 50km avec des crampes ; 2 semaines plus tard, j’avais une TFL. Ca, je ne l’oublierai jamais.

Réflexion faite, j’aurai du abandonner, retourner à l’entrainement, et revenir l’année suivante, fort de cette expérience.
 
Mais la réflexion de ce champion m’a amené à beaucoup réfléchir sur l’abandon. Bien que je demeure certain d’avoir pris la bonne décision, pourquoi abandonner ? Dans quelles circonstances ? A partir de quel moment n’abonne-t-on pas par confort ? N’est-il pas possible de se servir de l’abandon comme une arme ?

Abandonner, c’est en effet baisser les bras.

Lorsqu’on s’inscrit à une course, c’est bien entendu pour la finir. Je ne suis pas allé à Chamonix pour courir 70 bornes et rentrer chez moi. J’aurai très bien pu faire ça chez moi. D’autant plus que lorsque je décide d’abandonner, il n’est que 20-21h. J’ai tout juste 10h de course ; je suis en avance sur mes prévisions, et ne suis pas trop mal classé.

Mais je ne fais pas du trail pour la performance. Ce qui m’attire dans cette discipline, c’est la beauté des paysages, la convivialité avec les autres coureurs, le plaisir de courir pour se dépasser dans un cadre exceptionnel.

Je n’ai que 10-11h de course, et plus que 30km avant la ligne d’arrivée. Pourquoi arrêter là ??

Cela fait 10h que j’ai les jambes lourdes. J’en ai plein le dos de ne pouvoir discuter avec personne. Les ravitos me semblent minables compte tenu du prix de la course : leur espèce de soupe salée m’écœure. Et puis le paysage est certes joli, mais je trouve qu’ils en font beaucoup, et ne vois pas en quoi cela est plus compliqué que le TGV, couru 2 mois auparavant. Avoir du débourser 250€ en matériel obligatoire pour RIEN, et me trimballer je ne sais combien de kg en trop sur le dos, c’en est trop. Ma contrariété doit avoir un impact psychologique qui m’empêche de manger quoi que ce soit.

Les 2-3 premières heures de course, tout va bien ; mais à partir du 1er point d’eau qui suit le premier ravito, l’alimentation ne passe plus. Lorsque j’arrive à Trient, j’ai faim. Je n’ai rien avalé depuis 7-8h (sauf une part de leur tarte à la myrtille vraiment infâme au ravito du km50) et il me reste au moins 5h de course.

Je décide d’arrêter car je me dis que si c’est pour faire un malaise en pleine nuit, paumé au milieu de je ne sais où, le jeu n’en vaut pas la chandelle.

Je prends le bus, et rentre au chalet, finalement heureux d’avoir su dire stop !

A chaque fois que j’y repense, je suis fier de moi, et fier d’avoir su dire stop, plutôt que m’être entêté à vouloir coute que coute terminer une course, peut-être au péril de ma santé.

L’abandon, c’est donc baisser les bras, en effet, mais je ne pense pas qu’il faille le vivre comme un échec.

Abandonner, c’est également faire preuve de sagesse.

Les causes d’abandons sont légions : blessures, alimentation, fatigue, ras-le-bol. Peut importe la raison, je ne pense pas qu’il y en ait de mauvaise.

La raison est simple : on n’abandonne jamais par plaisir, ni par facilité, mais toujours par raison.

En 10h de course, on a le temps de s’en poser, des questions. Je ne connais personne qui ait abandonné sur un coup de tête. En général, la décision est prise après mûre réflexion, cogitée pendant de nombreuses heures à se demander si ce qu’on fait est bien raisonnable…

On en revient là à la question originelle : pourquoi fait-on du trail ? Si je voulais expliciter, je dirai « pourquoi fait-on du trail, et non de la route » ?

La réponse, ou plutôt ma réponse, est, je pense, commune à de nombreux pratiquants de cette belle discipline : « Par passion pour la course à pied, l’envie de se dépasser dans un cadre naturel d’une beauté exceptionnelle. »

Quelques paramètres sont donc indispensables à l’accomplissement de cet objectif.

Le plaisir ; l’intégrité physique ; le milieu dans lequel on évolue ; la beauté des paysages ; la convivialité.

Courir dans la montagne, dans un milieu naturel sympa, mais sans convivialité, en remettant en cause mon intégrité physique, à quoi bon ???

Depuis Aout dernier, je pense avoir changé dans mon approche du trail. Je n’ai plus peur de l’abandon, et du coup, aborde avec plus de sérénité les courses auxquelles je participe.

Avant, mon objectif était « d’être finisher ».

Maintenant, mon objectif est de faire une course pleine : si le plaisir, la convivialité, la simplicité, l’intégrité physique et les paysages, ne sont pas au rendez-vous, je n’hésiterai plus à m’arrêter, rentrer chez moi, et chercher un nouveau défi qui réponde à mes attentes.

Pour illustrer mes propos, je vais faire un parallèle entre 2 courses dont une est médiatisée, l’autre pas.

La CCC, pour commencer : chère, en inscription et en matos obligatoire (les gants imperméables et le surpantalon : vous déconnez sérieux, non ???), ravitos sans intérêts, transferts fastidieux, récupération des dossards interminable, bus de retour vers la voiture très mal organisé. A quoi bon s’arracher pour gagner un veston finisher de cette épreuve qui de surcroit fait la pluie et le beau temps sur la planète trail avec son système de point à la limite du mafiosisme. C’est promis, vous ne m’y retrouverez plus.

Le TGV. Trail des Glaciers de la Vanoise. Deux fois moins cher. 1min pour prendre son dossard. Des hôtels à 2min de la ligne d’arrivée, avec tout ce qu’il faut. 300 coureurs max. Une belle ambiance. Un parcours à couper le souffle dans un environnement exceptionnel : passages enneigés, traversée de col avec la présence de CRS pour assurer la sécurité : CA, c’est du trail !! D’ailleurs, j’y retourne cette année, et j’en trépigne d’avance J

Il n’y a donc aucune raison d’avoir honte d’abandonner. Qu’elle soit rationnelle ou non, il vaut toujours mieux abandonner une course ‘mal vécue’ et rebondir par la suite, que se forcer à terminer une course dans de sales conditions, et le regretter par la suite.

Suite à mon abandon, un paramètre psychologique nouveau rentre maintenant en compte, dans ma façon d’évoluer lors de mes courses.

Penser à l’abandon peut également devenir une arme qui permet de passer la ligne d’arriver en finisher avec le sourire !

Je ne m’en suis aperçu que très récemment, mais le fait d’avoir abandonné, m’a fait réfléchir, et a changé ma façon d’aborder la compétition. Avant, mon unique but était de finir une course. Maintenant, mon objectif premier est de prendre du plaisir, et puis si cela ne se passe pas comme prévu, tant pis, ca ira mieux une prochaine fois.

Lors de l’Ecotrail de Paris (30k), je prends le départ avec des jambes d’une lourdeur rare.

3km plus tard, je me dis que je vais rentrer chez moi, si c’est pour me trainer à ce point.

Je réfléchis et me fais la réflexion suivante : « OK, tu peux abandonner, de toute façon, tu n’es pas dans le peloton de tête. En revanche, tu as un autre option : en profiter pour faire ta sortie longue du week-end ». J’ai changé d’état d’esprit, baissé d’intensité, me suis refais une santé pour relancer dans la 2nde partie de course et finalement me faire plaisir sur la 2nde partie de cet Ecotrail.

Je me suis servi d’en avoir rien à faire d’abandonner pour enlever toute pression liée à l’échec, me recentrer sur le plaisir de la course au détriment de l’aspect performance, pour finalement me reposer et relancer sur la fin.

Me donner l’option d’abandonner m’a redonné la sensation d’être maitre de ma course. J’ai décidé de pouvoir abandonner ; je vais donc décider d’y aller à la cool, puis d’accélérer quand tout ira mieux.
 
Je m’étais fais plus ou moins la même réflexion lors du trail des Raids Dingues. Je m’étais dis que je ferai un départ rapide quitte à abandonner si je me cramais. Au final, je fais 2 (ex-aequo avec Gilles). Si j’avais voulu assurer le fait de terminer, je serai parti moins vite, et aurai très certainement fais une course moins aboutie.
 
Cette réflexion sur l’abandon reste très personnelle.
 
Certains pensent qu’il est ‘nul’ d’abandonner. Je leur dirai simplement de faire attention. Ce n’est pas parce que Kilian a couru 100km sur la diag avec une TFL qu’il faut faire pareil. Rester humble, et à sa place, permet de relativiser, et je pense d’aborder les choses plus sereinement, en prenant un maximum de plaisir pendant les courses.
 
Rester en forme en se faisant plaisir, voilà, à mes yeux, les limites à se fixer, pour se donner à fond tant que l’on ne franchi pas l’une ou l’autre de ces frontières.

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