Compte rendu de course. Trail des Glaciers de la
Vanoise 2014. 417 inscrits. 73km de course. 3800m D+.
Avant la CCC, il me fallait faire une course de
montagne, pour tester les conditions de course en altitude, et se donner une
idée de ce que ça va donner à Chamonix.
Chaque année, Valérie et Arnaud, des amis, nous
invitent à skier à Pralognan la Vanoise. Petite station d’hiver, Pralo est en
revanche une station réputée pour l’été, car le parc naturel de la Vanoise qui
la surplombe, offre de superbes occasions de randonnées, trecks ou trails.
Lorsque j’ai appris qu’il y avait un trail début
Juillet, je n’ai pas hésité une seconde, et me suis inscrit dans la foulée, en
passant voir Mathieu et Ludovic, de l’office, en mars après avoir descendu 2/3
pistes.
Le briefing est donné le samedi après-midi.
L’accent est mis sur les conditions de course difficiles. Il fera beau, mais le
parcours se fait majoritairement en terrain non balisé, et peu accessible pour
les secours. C’est une course de haute montagne, qui nous fait évoluer principalement
entre 2000 et 2500m d’altitude, avec une pointe à 2800m !
Le réveil sonne à 3h du mat. J’avale un petit
déjeuner frugal et me dirige, avec Elisabeth qui est venue m’accompagner, vers
le sas de départ, qui sera donné à 4h du mat.
C’est donc un départ à la frontale, qui ne laisse
aucun prélude, et nous amène directement dans la montagne.
Les 8 premiers kilomètres de course nous font faire
ce que l’on appelle un KV (kilomètre vertical d’une traite). On mange donc
1000m de dénivelé non-stop jusqu’au premier ravito (ou plutôt 1100m). Le paysage est
magnifique ; je me crois dans un film. On traverse des lacs de neige
fondue, à la frontale, sur des dalles naturelles. 1h30 plus tard, nous voici
arrivé au premier ravitaillement, au refuge du Col de la Vanoise.
Je me dis que pour moi, la course commence maintenant ! En effet, je ne suis pas là pour la gagne, ni pour faire un temps, mais pour me préparer en course de montagne. Je vais donc y aller molo, et essayer de ne pas être trop cassé à l’arrivée. D’autant plus que je me remets tout juste de mon claquage du mollet, et qu’hier, ca tirait encore !
Jusqu’au km50, la course s’annonce roulante. Des
atermoiements de petites montées et descentes semblent se présenter à nous. Roulez jeunesse, c'est le moment d’engranger les kilomètres, me dis-je.
Que neni ! D’une part, nous n’aurons jamais,
je dis bien JAMAIS, de plat. Soit ca descend sec, soit on a droit à des faux
plats montant. Grrr…
Autre difficulté à laquelle je ne m’attendais pas également : la nature du terrain. Je croyais pouvoir avancer tranquillement sur des jolis
chemins de montagne. Raté ! Le chemin que nous empruntons (le GR5) est parsemé de
cailloux plus ou moins gros les uns que les autres.
J’ai décidé de faire ce trail à l’eau claire, et je
ne serai pas déçu. A chaque ravito, je rempli mon camel d’eau minérale, qui
sert normalement à abreuver les randonneurs ou le bétail. L’eau est fraîche et
délicieuse ; rien à voir avec le goût écoeurant des boissons énergisantes
habituelles.
Entre le 1er et le 2nd
ravito, il y a 15km. Psychologiquement, c’est un peu dur car je comptais sur
cette partie soi-disant roulante pour avancer et dérouler les km à vive allure. Mais le
terrain ne s’y prête absolument pas ; le chemin est très caillouteux, et
si je ne veux pas me faire une cheville ou tomber dans le ravin, je fois faire
attention à là où je mets les pieds, et ce pour chaque pas effectué !
Les paysages sont magnifiques ; on traverse
des petits cours d’eau, et parfois même quelques névés, dont un sur les
fesses ! Contrairement aux autres trails, on discute peu entre nous, car
chacun est concentré et ‘dans sa course’. C’est mon premier trail de montagne,
et sa difficulté est sans commune mesure avec ce que j’ai bien pu faire jusque
là.
Je passe le 2nd ravito au refuge de l'Arpon, assez rapidement,
et file tout droit vers le 3è ravito : celui de la mi-parcours, au refuge de Plan
Sec. Entre ces 2 ravitos, c’est psychologiquement compliqué. Je me rends compte
que je vais mettre bien plus de temps que prévu. Le sentier est en faux plat
montant, ce qui rend l’effort compliqué pour avaler bien peu de dénivelé. Les
cuisses commencent à chauffer sec, mais 2 choses me rassurent : je n’ai
aucune crampe, et mon mollet tient correctement !
Une petite vidéo vous montrera le paysage
magnifique dans lequel nous avons la chance d’évoluer.
La descente vers Plan Sec commence par une portion roulante (le film posté sur la page fb), qui me fait accélérer l'allure. Mais rapidement, après quelques lacets, le sentier se ressert et redevient caillouteux, avant d'entrer dans une portion en forêt qui me fait me demander si je ne me suis pas perdu. Il y a 15 minutes, j'évoluais en montagne, et maintenant, je cours au milieu de sapins... Il y a vraiment un refuge dans le coin? Fort heureusement, quelques balises me rassurent, et je parviens, après une nouvelle ascension, cette fois-ci de courte durée, au refuge de plan sec. Je me dirige tout
droit vers les ‘parties communes’. Les crozets au reblochon de la veille me
pesaient un peu sur l’estomac. J’en profite ensuite pour faire une vraie pause.
Je dois m’arrêter bien 10/15 minutes à ce ravito. Je me restaure correctement,
et discute avec les bénévoles de la course, fort sympathiques au demeurant.
La partie qui nous attend nous amène je crois 13km
plus loin vers l’avant-dernier ravito au refuge de l'Orgère. Nous descendons vers les lacs des
barrages environnants ; la vue est superbe. Désolé, je n’ai pas pris de
photos, mais rien que pour cela, ça valait le détour. En revanche, qui dit
descente dit remontée. Une fois arrivé au niveau du lac, il nous faut donc remonter
de l’autre côté. On s’emmanche donc une belle côte d’à mon avis 400 bons mètres
de D+. Les jambes commencent à durcir. J’y vais donc très mollo, et m’hydrate
beaucoup pour éviter que les crampes auxquelles j’étais coutumier jusque là n’apparaissent aujourd'hui.
Nous voici donc à l’avant-dernier ravito. Il ne
semblait jamais venir celui-ci ! Pour y parvenir, nous avons du encaisser
une jolie descente ‘casse-pattes’, sur un chemin très caillouteux à travers les pins. Je pensais
que le circuit des 25 bosses était ‘trop caillouteux’ par rapport à ce que l’on
retrouve en trail classique, mais non ; ici, le terrain oscille entre
rocher et cailloux. Point de terrain sec pour avancer. Remarquez, vu mon état
de forme, je ne sais pas si je pourrai de toute façon allonger la foulée…
Je rempli mon camel et mange un morceau, avant de
me diriger vers un des gros morceaux de l’épreuve : l'ascension du col de Chavière. 10km nous séparent du dernier
ravito qui sera au refuge de Péclet Polset. 10km, c’est jouable me direz-vous. Oui, mais il nous faudra gravir 1000
ou 1200m de D+ et passer de l'autre côté de la montagne qui se trouve en face de nous. Et hop, moi qui n’en avait jamais fait, me voila parti pour un
2nd KV ! Les premiers 5km de cette ascension sont
horribles ! Imaginez-vous avancer à 2 ou 3 km/h… Impossible d’aller plus
vite sans s’essouffler. Il fait très chaud, je commence à cuire, et suis obligé de baisser mes manchons sous peine de rôtir comme un cochon de lait. La côte est très raide, et plus on monte, moins on a
d’oxygène. Je mets bien 1h15 pour faire la première portion de 5km… Un replat
pour avancer un peu, et on arrive littéralement au pied du mur ! Là, pour le coup, il fait froid... Il y a du vent... Il y a de la neige... Je dois remettre mes manchons, mon manteau, et reste malgré tout gelé. Incroyable cette différence de condition en seulement une heure !! J'approche du col, la vidéo
parle d’elle-même : on voit au loin, tout là haut, des petites fourmis escalader
un col enneigé !?! La pente reste raide, et nous avançons maintenant en
plus dans la neige. Je n’ai pas de bâtons (je dois bien être le seul), et mes
chaussures glissent. Je me retrouve souvent le bec dans la neige, et m’esquinte
le pied contre les cailloux. Cette ascension se fait à 50% au mental, et à 50%
à l’envie de profiter de l’instant. On se croit dans un film de haute montagne,
ou dans le livre premier de cordée. Sauf qu’on est en tenu de course, et sans
corde. Incroyable... J'en garderais des souvenirs toute ma vie!
Le temps me semble arrêté ! J’en profite à
fond, et essaie d’oublier le manque d’oxygène qui me donne des points de côté
et empêche mes muscles de bien s’oxygéner. Mes jambes vacillent, mais ce moment est unique ! Ce
doit être la première fois que je passe un col, et qui plus est dans la
neige J
En haut, je fais une pause, histoire de récupérer
de cette ascension qui m’a un peu marqué. 1000m de D+ en 2h15, dans la neige.
Il faut avouer qu’à ce moment, je suis bien assèche, avec jambes raides et
souffle coupé. Mais pour le coup, je viens de vivre une expérience réellement incroyable, et hors du commun. Je suis aux anges, bien qu'un peu hagard suite à l'effort fourni.
Le dernier ravito est 3km plus bas. Jusqu’à pralo
et la ligne d’arrivée, il reste 16km, uniquement en descente (enfin, presque).
Je me dis que je vais pouvoir enfin allonger la
foulée, ça tombe bien, ça fait 10h que j'attends ça :-) Mais je déchante aussi sec.
Pour arriver au dernier ravito, on évolue 100% dans
la neige. Imaginez-vous une pente raide, dans la neige, en courant. C’est assez
comique. On passe notre temps à se casser la figure, avec comme crainte de
dévaler la pente comme le capitaine Haddock dans Tintin au Tibet. Je suis
trempé des pieds à la tête, et suis par la même occasion complètement gelé. Je
garderai de cette descente de belles crevasses, qui me feront un mal de chien
jusqu’en bas ! C'est juste incroyable. Imaginez vous en haut d'un col à 2800m d'altitude, en T-shirt, en short et en basket, en vous disant : 'Tiens, et si je redescendais par là?', en pointant du doigt une vaste nappe de neige, qui descend à perte de vue. Le tout, évidemment, sans bâtons pour s'appuyer et s'équilibrer.
Mais plus on descend, plus l’oxygène se normalise,
et plus il fait chaud. Alors je me dis que je ne suis plus à ça près, et que dans tout trail, l'organisation nous garde quelques privates jokes pour la fin, parcequ'ils savent que plus c'est dur, plus on en garde un souvenir inoubliable.
Au dernier ravito, je ne m’éternise pas. Il reste
tout de même 13/14km, sur un sentier pour le coup très courable. Autant en
profiter. Je suis bien ; à mon grand étonnement, je n’ai toujours pas la
moindre apparition de crampes. Une grande première !
Ces 13km se font dans la joie et la bonne humeur.
Chaque foulée est douloureuse. Les cuisses tapent à chaque pas, mais l’on se
dit qu’on n’a pas fait tout ça pour rien.
Le retour à la civilisation se fait gaiement ;
les promeneurs nous encouragent, je fais connaissance avec une marmotte qui
semble presque apprivoisée.
Nous longeons le cours d’eau formé par la chute des neiges.
Nous longeons le cours d’eau formé par la chute des neiges.
J’apprends que je suis dans les 70 premiers !
Bon, OK, je me voyais plus beau avant de prendre le départ ; mais après
1h30 de course, je me suis tout de suite remis en questions, et me suis dis que tout compte fait, j’allais ce jour là surtout jouer les barrières
horaires J
C’est mon premier trail de montagne ; je devrai presque dire, de haute
montagne. Je me remets de mon claquage au mollet et n’ai pour ainsi dire que 2
vraies semaines d’entrainement dans les pattes. Alors profil bas, humilité, et
mon unique plaisir est de finir cette course J Quand une promeneuse me dit
que je perds 3 places parce que je m’arrête filmer la marmotte, cela me fait
sourire, et je ne peux m’empêcher de lui rétorquer que « j’en ai vraiment
rien à fout**»…
Je passe la ligne d’arrivée après 11h40 d’une
course sublime. Ce doit être sans nul doute la course la plus dure qu’il m’ait
été donné de courir. Mais qu’est-ce que ça vaut le coup.
Qui plus est, je n’ai pas eu un soupçon de crampes,
et mon mollet à tenu bon !
Je vais maintenant prendre 10 jours de repos, pour
éviter de réitérer mon erreur de l’Ecotrail, et m’entrainer 6 bonnes semaines
pour la CCC.
Si cela vous intéresse, voici les leçons techniques
que je retirerai de cette course.
1) L’équipement
Je suis parti équipé de chaussettes de
compressions, et d’un simple T-shirt. Un camel back, et autour des reins, un
manteau en cas de pluie ou vent fort. Les manchons aident bien pour éviter les crampes aux bras.
La seule chose qui m’ait manqué est les bâtons. Je
crois que l’on était que très peu à ne pas en avoir, en tout cas dans les 100
premiers. Dans les ascensions, j’ai bien vu que j’en bavais plus que les
autres, et me fatiguais pour rien… Donc cette semaine : achat de bâtons,
et test en forêt de Milly sur les 25 bosses pour être prêt pour la CCC.
2) Les
ravitaillements
L’eau claire, avec du sucre dedans, c’est ce qui
semble me correspondre. Lorsque je mets des poudre d’effort, cela m’écoeure, et
je bois moins. Là, j’ai pu bien m’hydrater, et je pense que c’est la raison
pour laquelle je n’ai pas eu de crampes.
J’ai mangé en tout : 2 gels boosters, 2 barres
de céréales, 2 barres de nougat, et 2 barres de pâtes de fruits. Pas encore
assez pour 11h30 de course, mais en amélioration par rapport aux courses
précédentes, pendant lesquelles je ne pouvais rien avaler. Verdict : aller
au plus naturel. Le nougat et les pâtes de fruit. En plus des quelques Tucs
avalés aux ravitos, cela m’a suffit pour ce trail, mais j’avais un peu faim en
arrivant. Pour la CCC, j’essaierai de manger un peu plus.
3) L’entrainement
Etre passé à 90-100km par semaine me permet d’être
endurant. D’où encore une fois l’absence de crampes. En revanche, j’ai une
déficience notoire en dénivelé. Il me reste donc 6-7 semaines pour palier ce
problème. C'est mince, mais je pense jouable.
Pour conclure, ce trail était simplement
formidable ! Un grand moment de bonheur, à parcourir la montagne comme
nous en avons rarement l’occasion. C’est une chance que de pouvoir faire ce
type de parcours, et cela nécessite un temps de préparation considérable ;
je remercie donc chaudement toute l’organisation, et l’office de Pralo, qui a
fait un boulot formidable !
Petit bonus : le compte rendu Strava : http://www.strava.com/activities/163004340
Petit bonus : le compte rendu Strava : http://www.strava.com/activities/163004340
La prochaine course est pour bientôt, et pas des
moindres : la CCC, pour faire cette fois-ci le tour du Mont-Blanc J
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