Boire ou courir, pourquoi choisir ?
Lorsque l’on parle trail avec un non-initié, il est amusant de voir le visage de notre interlocuteur affecter des moues de plus en plus prononcées à mesure que l’on égrène les particularités du trail.
La distance fait sourire, et force l’admiration. Mais
lorsque l’on parle du dénivelé et de la nature souvent compliquée des terrains
que l’on a la chance de parcourir, le sourire laisse la place à une sorte
d’incrédulité : on nous prend pour des fous, des masos, des cinglés qui
n’auraient rien d’autre à faire.
Viennent ensuite les questions habituelles, posées
d’ailleurs sous formes d’affirmations : « mais du coup, tu suis un
régime particulier ? », « et ce n’est pas trop embêtant de ne
pas boire d’alcool ? »
Et là, je me marre. Moi, Olivier, pur produit du perche,
faire un régime ?!?! Je suis sponsorisé par la Cave du Perche ne
l’oublions pas ! J
Ces questions soulèvent un point qui, à mes yeux, me semble
particulièrement important dans la pratique de la course à pied :
Quels sacrifices sommes-nous prêts à apporter pour pratiquer
notre passion ? Ces sacrifices sont-ils nécessaires ? Que
m’apportent-ils ?
Chacun trouvera des réponses qui lui correspondront le
mieux ; en revanche, je vais tenter d’apporter ici quelques pistes de
réflexions.
Plutôt bon vivant, j’aime la bonne chère. Une bonne côte de
bœuf avec pommes dauphines et un bon verre de vin, il n’y a rien de meilleur.
J’ai dû commencer à déguster des vins avant mes 15ans, et je
dois dire que depuis ce jour, je n’ai guère fait de pause.
J’ai commencé à courir à Lancaster car nous festoyions
intensément. Avec Mathieu, un de mes amis collok, nous avions décidé d’aller
courir 15-20min de temps en temps pour se décrasser.
Cela nous permettait de boire des bières sans prendre trop
de poids.
Aujourd’hui, ma pratique de la course à pied est
radicalement différente, car beaucoup plus intense et structurée, mais la
raison reste sensiblement la même.
A quoi bon s’entrainer dur si ce n’est pour se faire plaisir
à côté ???
Je me vois mal enchaîner les séances de fractionné, pour
n’avaler qu’une tranche de jambon blanc et un litre d’eau magnésienne.
Je prends beaucoup de plaisir à m’envoyer des séances plus
ou moins dures, et j’essaie de profiter de chaque instant des trails auxquels
je participe.
Mais à côté de cela, sauf si vous souhaitez gagner le France
de Trail, je ne pense pas que se restreindre apporte quoi que ce soit.
Je pense boire 2/3 verres de vin presque tous les soirs, et
cela ne m’empêche pas de faire de belles séances le lendemain.
Pour la récup, une bonne bière, et enchainer les sorties n’a
jamais été une purge, sauf si bien entendu je suis blessé ici ou là.
Si je fais une sortie longue le dimanche matin, je garderai
en ligne de mire le bon gueuleton qui m’attend derrière.
J’apporterai juste un demi-bémol à tout cela : la
marche à suivre à 3 semaines d’une échéance.
J’ai tout essayé : du dîner bien arrosé la veille à un
régime sec de 3 semaines.
Tout d’abord, le zéro efforts.
Je l’ai teste lors de ma participation au Sparnatrail ;
une belle course nature de 55k dans la région champenoise d’Epernay.
Pas de restreinte particulière, et un bon gueuleton bien
arrosé la veille. Réveil à 3h du mat pour faire la route.
Je prends un départ raisonnable mais rapide. Les sensations
sont au top… 30k. La fin fut un calvaire. Perclus de crampes, je n’arrivai plus
à mettre un pied devant l’autre.
Verdict « zéro efforts » : plus jamais.
Puis, j’ai testé l’autre extrême : 3 semaines d’efforts
alimentaires.
Pas une goutte de vin, pas de desserts, des dîners très
légers… Bref, un véritable chemin de croix.
Le jour J, j’arrive sur la course éreinté de ces 3 semaines
de contrainte alimentaire. J’ai en fait l’impression que la course est
salvatrice.
Attendez, y’a comme un problème là… Le but, c’est d’arriver
frais physiquement ET mentalement.
Même pour 10h d’efforts, se contraindre 3 semaines durant
est complètement insensé… L’effort n’est plus réalisé pendant la course, mais
avant la course… Il est où le plaisir,
là ?
Verdict « 100% effort » : plus jamais.
Dorénavant, je me contente de faire attention.
2 semaines avant, je me restreint à « quelques »
verres de vin ; la semaine précédant la course, pas plus d’un ou 2.
J’essaie également tant bien que mal d’avaler des pâtes au
déjeuner, et dîner léger le soir (riz/lentilles/soupe) la toute dernière
semaine.
Mais pas de réelle contrainte. Je me fais quelques plaisir
(desserts, etc) et garde du coup un moral d’acier.
Le jour J, j’arrive frais et dispo, en n’ayant pas la
sensation d’avoir déjà soulevé une montagne avant même le coup d’envoi.
Verdict « faire attention, mais se faire plaisir
également » : adopté !
Gardons toujours bien en mémoire la motivation qui nous
accroche à la pratique du trail : se faire plaisir à courir dans des
environnements incroyables, avec des circonstances de course hors du commun.
Pas besoin de se faire un sang d’encre à 3 semaines de
chaque évènement.
L’objectif reste de se faire plaisir à l’entrainement comme
en course, en conservant une hygiène de vie correcte et en croquant tout de
même la vie à pleines dents.
Pour moi, c’est donc tout vu : en temps normal, je
profite des bienfaits de la vie : la bonne pitance et les bons vins, what
else ?
Et à l’approche d’une course, j’essaie de faire attention,
pour arriver affûté le jour J, tout en gardant le sourire et la fraîcheur de
mes 30ans !
Et après tout, François d’Haene, il ne serait pas vigneron
par hasard ??? J
Alors suivons donc l’exemple, et profitons de notre généreux terroir.